si la vue me manquait

Un pas, deux pas, une hésitation, j'ai perdu la vue depuis mon arrivée dans ce restaurant.

Le noir complet, un dîner avec des ami(e)s dans le noir, pour comprendre nos sens et nos habitudes, pour tenter de comprendre le monde sans les yeux. Je suis perdu, le mot est faible, je vais manger, je vais déguster des saveurs qui vont réagir différemment avec mon nez et sans l'aide de mon oeil. Car lorsque vous prenez un légume, votre cerveau va conditionner le goût et sa gamme de plaisir, du croustillant au croquant, du fade ou granuleux, et d'autres sensations. Là rien, même avec ce champagne que j'ai cherché trois minutes sur la table !

Il est différent, presque fade, acide un peu mais surtout je ne le comprends pas, moi dégustateur amoureux des bulles, croqueur de bulles émérite. Je suis encore perdu. 

La discussion va sauver le soirée, entre aveugles volontaires, satisfaits mais frustrés de tant de sensations perdues, alors je me risque au dessert. 

"Chère madame, à défaut de ne voir que votre charmante voix, laissez moi toucher votre nylon, vos jambes, pour savoir si vous êtes une femme de goût ?"

"Oui touchons-nous' a-t-elle lancé, tout de go, libéree, elle aussi de ce vide, de ce noir absolu.

C'était doux, un peu épais et velouté, un collant noir opaque !

Nylonement